1910-2001,
France
Mathieu Matégot est un designer et décorateur d’origine hongroise, naturalisé français en 1945. Ses inventions, du métal à la tapisserie, font de sa personnalité l’une des plus singulières de l’Après-Guerre, et de ses œuvres des icônes gracieuses desquelles se dégagent légèreté et liberté.
Né en Hongrie, il étudie d’abord à l’école des Beaux-Arts de Budapest avant d’entrer à la célèbre Académie Jasnick. Il se lance d’abord en tant que décorateur de théâtre ; point qu’il ne faut pas négliger tant son sens de la scénographie est aiguisé, largement visible dans ses intérieurs.
Installé à Paris depuis 1931, il commence en tant qu’étalagiste aux Galeries Lafayette mais son engagement volontaire à la guerre met un coup d’arrêt à ses activités. Il est fait prisonnier en Allemagne. L’histoire dit que c’est durant sa captivité qu’il eut l’idée d’inventer le rigitulle, son matériau fétiche : une plaque de métal perforée finement, rappelant le tulle, d’où il tire son nom. Ramassant les pièces défectueuses dans une usine de pignons, il décide de fabriquer une petite Bugatti à l’aide de chutes de tôles perforées avec l’un de ses amis. Cette création remarquée lui permet d’accéder au bureau de dessin au sein duquel il a plus de libertés : il réussit finalement à s’enfuir puis à rentrer clandestinement à Paris où il décide d’utiliser le matériel industriel qu’il avait travaillé pour créer des objet du quotidien. Le rigitulle était né, sa vocation aussi.
D’abord seul, il élabore ses premières pièces dans un petit atelier. Mais ce dernier grandit vite : en quatre ans, il était à la tête d’une équipe d’une vingtaine d’ouvriers, située rue d’Hautpoul près des Buttes-Chaumont (Paris). Son expansion est rapide : il s’associe à une société hollandaise à Utrecht (Artimeta), ouvre un bureau à Londres et la maison Matégot-Afrique à Casablanca.
Son catalogue comprend des meubles, des lampes et un large choix d’objets allant du porte-revues à la corbeille, le plus souvent en métal, son matériau de prédilection, associé au rigitulle. À la façon du calendrier de la mode, il travaille en collections, renouvelle ses modèles et propose des séries limitées. Son design se caractérise par des lignes élégantes, un sens de l’équilibre et des volumes maitrisés : Mathieu Matégot maitrise « quelque chose d’unique dans le traitement de la matière qui lui confère une densité visuelle qui est sa véritable nature », selon les mots de l’historien de l’art Patrick Favardin (1951-2016).
Décorateur, il conçoit aussi de grands ensembles et présente régulièrement des stands aux salons les plus en vogue : le Salon des Artistes Décorateurs et le Salon des arts ménagers. Son poste d’enseignant à l’école des Beaux-Arts de Nancy le ravie et assure une diffusion de ses idées.
Mathieu Matégot ne se limite pas à l’ameublement. En tant qu’artiste, il participe à la renaissance de la tapisserie, aux cotés de son ami Jean Lurçat (1892-1966), en tant que peintre cartonnier. Il est l’un des premiers à concevoir des motifs abstraits et met au point un procédé de piqué permettant des effets d’une incroyable vibrance pour les rendre presque mouvants.
Au même titre que Georges Braque (1882-1963), Fernand Léger (1881-1955), Pablo Picasso (1881-1973), Henri Matisse (1969-1954), Le Corbusier (1887-1965) ou Jean Lurçat, il travaille avec la célèbre Marie Cuttoli (1879-1973). Sa réputation le fait alors rentrer dans les plus grandes collections, de la fondation Hurchler (Pasadena, Californie) à Aubusson.
Les créations de Mathieu Matégot font parti intégrante de l’imaginaire collectif, proche ou lointain : traitant le métal avec brio, sans pour autant se cantonner à ce matériau privilégié, il donne au design des années 1950 une réelle profondeur et une ampleur inattendue.